
Je marche depuis l’aube entre les troncs anciens.
La lumière se faufile en brides dorées et glisse sur les fougères encore lourdes de rosée.
Rien ne presse ici. Le temps suit le pas des choses, et c’est toujours un pas lent.
Le sentier n’est pas un chemin : juste l’endroit où la terre a accepté mes pieds.
Chaque pierre, chaque brindille, semble connaître sa place mieux que je ne connais la mienne.
Alors je m’accorde à elles comme on accorde une corde : doucement, sans forcer.
Quand je m’assois au pied d’un pin, je sens sa patience me traverser.
Il ne cherche rien.
Il demeure.
Le vent se lève parfois, mais même alors il reste fidèle à sa verticalité.
Je voudrais apprendre cette manière d’être :
ne pas lutter contre le mouvement, mais ne jamais quitter ma propre racine.
Au bord du ruisseau, l’eau parle avec des voix nombreuses.
Chaque remous a son accent, chaque pierre son timbre.
Je reste longtemps à écouter.
Le monde devient simple lorsqu’on le laisse raconter ce qu’il est.
Je n’y ajoute rien ; je me contente de suivre la courbe du courant des yeux.
Le silence, ici, n’est jamais vide.
Il vit, respire, se dépose sur la peau comme une poussière claire.
Il me ramène à moi-même sans m’isoler, comme si je faisais partie d’un ample tissu que je n’avais jamais vraiment remarqué.
Dans ce silence, mes pensées se posent puis se dissolvent, comme la brume au-dessus de la vallée lorsque le soleil gagne en force.
Je cueille parfois un morceau de bois tombé, un fragment de branche tordue par les saisons.
En le tenant, je sens la longue histoire qui l’a façonné :
les neiges, les vents, la lente croissance au rythme des années.
Ce morceau d’arbre n’a pas de leçon à donner, mais il en porte mille.
À la tombée du jour, la forêt s’assombrit sans perdre sa douceur.
Chaque forme devient ombre, mais aucune ombre n’est menace.
La nuit ici ne cache pas : elle enveloppe.
Je tends l’oreille et j’entends le froissement de pattes minuscules dans les feuilles mortes, le craquement sec d’une branche qu’un chevreuil a effleurée.
Je respire avec tout cela, comme si mon souffle était un fil supplémentaire tissé dans la vaste respiration de la forêt.
Je ne cherche plus rien.
Pas de signes, pas de preuves, pas de révélations.
La forêt n’enseigne pas : elle se tient, et c’est déjà une forme de vérité.
En sa présence, j’apprends à être présent moi aussi — sans rôle, sans masque, sans attente.
Demain, je marcherai encore.
Pas pour arriver quelque part, mais pour demeurer avec ce qui est.
Il me suffit d’un arbre, d’un ruisseau, de l’odeur des aiguilles chauffées par le soleil, et la vie redevient claire.
Ici, chaque instant est une ouverture.
Et je me rends compte que, depuis toujours, je cherchais quelque chose qui ressemblait exactement à cette simplicité.
Laisser un commentaire