Le Franc al-ôd, un territoire affranchi de toute quête.

On dit souvent qu’il ne sert à rien. Et c’est précisément pour cela qu’il demeure intact.

Dans un monde obsédé par le but, le résultat et la réussite, le Franc al-ôd ressemble à une forêt ancienne : elle ne cherche rien, ne prouve rien, ne promet rien. Elle est là. Elle pousse. Elle tient. Les arbres ne poursuivent pas le ciel, ils s’y tiennent. Les pierres ne vont nulle part, et pourtant elles portent le poids des siècles.

Nous, en revanche, passons nos vies à chercher. Nous avançons sans cesse, croyant qu’un peu plus loin se trouve enfin ce qui nous manque : l’apaisement, le bonheur, une forme d’accomplissement. Nous marchons vite, souvent sans sentir le sol sous nos pas. Plus nous cherchons, plus quelque chose se retire. Comme si la quête elle-même creusait la séparation.

Le Franc al-ôd commence lorsque cette quête tombe. Non par renoncement héroïque, mais par épuisement naturel. Il commence ici, là où le corps s’arrête et consent à la terre. Là où l’on cesse d’exiger de la vie qu’elle nous donne autre chose que ce qu’elle donne déjà.

S’asseoir dans le Franc al-ôd, c’est s’asseoir comme on s’assoit au pied d’un arbre, sans intention cachée. Le poids du corps descend, la respiration trouve son rythme, le temps cesse d’être compté. Rien n’est à atteindre. Rien n’est à corriger. L’assise devient une clairière où tout peut apparaître sans être retenu.

Les pensées passent comme les nuages. Les émotions comme le vent dans les branches. La fatigue, la douleur, l’ennui, la peur surgissent comme les saisons surgissent dans la forêt. Rien n’est en trop. Rien n’est une erreur. Tout appartient au territoire.

Le Franc al-ôd n’offre aucune garantie. Il ne protège pas, il expose. Il ne promet ni paix ni bonheur, mais il rend à ce qui est sa juste place. Tant que l’on cherche à s’y servir, il reste fermé. Tant que l’on s’y accroche pour se sauver, il demeure inaccessible.

Mais lorsque toute quête s’éteint, lorsque toute volonté de devenir se dissout, il ne reste plus qu’un corps vivant posé sur la terre. Un souffle qui va et vient. Une présence sans nom, sans attente, sans projet.

Alors le territoire affranchi se révèle pour ce qu’il est :
non un lieu à atteindre,
mais un sol retrouvé.

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