Auteur : Naspidwi

  • LA VOIE DU LANCER

    Il n’y a pas de prise i

    l n’y a pas de pêcheur

    Il n’y a que le geste.

    La Naspidwi s’écoule, librement.
    Le vent glisse entre les arbres.
    La mouche fend l’air, suspendue au souffle.
    La Soie trace une calligraphie invisible —
    souple, fluide, sans but.

    Le pêcheur croit pêcher.
    Mais il ne sait pas qu’il est pêcher.
    Il croit lancer vers le monde.
    Mais c’est lui-même qu’il lance.

    Il n’y a pas de prise, autre que la vacuité.

    Alors, le geste change.
    Il devient offrande.
    Le lancer ne désire plus.
    Il est.

    Le poisson devient silence.
    La rivière devient miroir.
    Et dans le reflet,
    le pêcheur voit enfin
    le vide d’où il vient,
    et où tout retourne. Il sourit.
    Et lance encore —
    sans rien vouloir

  • DOGEN

    Depuis les temps anciens de nombreux sages et saints ont vécu au bord de l’eau. Quand ils sont sur l’eau ils pêchent non seulement le poisson, mais aussi des hommes et la voie. Ils font encore mieux; ils s’attrapent eux-mêmes à l’hameçon.

    En pêchant le pêcheur, ils sont le pêcheur pêché, pêché par la voie.

    Dogen 1200-1253 (Fondateur de l’école Soto)

  • TOZAN

    La montagne bleue est le père du nuage blanc

    Le nuage blanc est le fils de la montagne bleu

    Tous les jours ils dépendent l’un de l’autre

    Sans être dépendant de l’un et l’autre.

    Le nuage blanc est toujours le nuage blanc

    La montagne bleue est toujours la montagne bleue.

    Comme nous ils sont indépendants mais aussi interdépendants

    quand les conditions de son environnement changent les nuages changent

    Tout en continuant, ne laissant aucune trace, aucun passé.

    Ceci est la voie du Zen sans effort, sans intention.

    S’il y a un son nous l’entendons, si nos yeux sont ouvert nous voyons, 

    il n’y a rien de plus que cela.

    Quand nous nous verrons comme le nuage blanc,

    quand nous arriverons à cette réalisation de soi-même

    ce sera assez.  Il n’y aura aucune confusion à y avoir,

    pour arriver à s’éveiller à se réalisation, il faut pratiquer la voie du Zen.

    Comme la source tombant de la montagne trouve sa propre voie

    c’est en vivant avec la nature que l’on trouve sa propre route.

    Ceci est la voie du Zen.

    Si nous tentons d’arrêter la source, si nous résistons, 

    la source se détournera et trouvera sa propre voie.

    Cette voie est comme la feuille de l’arbre qui flotte sur le ruisseau,

    si vous acceptez que le ruisseau vous transporte,

    sa force sera la vôtre, vous serez un avec la nature,

    sans adhérence, sans attachement, laissant le passé derrière,

    vivant le moment présent.

    Quand vous regardez la forêt,

    Ne regardez pas les arbres comme étant séparés,

    mais comme une unité, ceci est la forêt.

    De même, ne vous considérez pas comme séparé des autres et de la nature.

    La recherche de la réalisation est mû par notre anxiété, nos peurs

    qui nourrissent notre ego, causant des frustrations dans notre vie;

    Égoïsme, jalousie, colère, haine, sont présents inconsciemment pour nous protéger, 

    puis se faisant nous mettent en opposition avec les autres et notre environnement.

    Pour s’éveiller, pour se réaliser nous devons pratiquer la voie du Zen.

  • LÀ OÙ JE SUIS, NOUS SOMMES!

    Quand je pêche, je suis le pêcheur, la canne, la soie, la mouche, la rivière,

    la pierre, le salmonidé, la forêt, le ciel, l’oiseau, l’insecte, la nymphe…et vacuité!

  • RIVIÈRE ZENDO

    Lorsque vous ne pratiquez pas le Zen les rivières sont des rivières et les montagnes sont des montagnes.

    Lorsque vous pratiquez le zen les rivières ne sont plus des rivières et les montagnes ne sont plus des montagnes.

    Lorsque vous réalisez le zen les rivières redeviennent des rivières et les montagnes redeviennent des montagnes.

  • DAISHIN, KISHIN, KOSHIN

    DAISHIN L’esprit vaste est comme l’océan: il reçoit toutes les eaux et les rivières sans en rejeter aucune.

    C’est l’esprit de celui qui voit une situation de la façon la plus large, sans se prendre lui-même comme point de référence. Généralement, nous réagissons par rapport à nous-mêmes: ça me plaît, ça ne me plait pas. Alors, nous voyons toujours le monde comme extérieur à nous-même, et nous le divisons en: bien / pas bien: ce qui va dans le sens de nos désirs, ce qui les empêche.

    Nous avons l’impression d’être au centre, choses et gens tournant autour de nous et nous passons notre temps à essayer de repousser, ou d’attirer vers nous; c’est une situation très fatigante, qui prend beaucoup d’énergie.

    Maître Dogen a dit  » Peu importe où nous sommes, et les circonstances, nous exprimons toujours notre vie. Une personne stupide voit sa propre vie comme celle de quelqu’un d’autre; seul un sage comprend que même dans ses rapports avec les autres, il exprime sa propre vie à l’intérieur de ces rencontres.

     » L’esprit vaste est celui du non-ego, du non-attachement Dès lors que nous ne nous identifions plus à un Moi précis, celui qui aime telle choses, et déteste telle autre, nous pouvons vivre en harmonie avec tout ce qui se présente à nous. Dès lors que nous ne posons plus de jugement (bon/mauvais), nous pouvons travailler avec toutes les situations. Elles seront toutes sources de joie et d’expériences.

    Imaginez une personne qui n’aimerait que le sucré … quel écœurement au bout de quelque temps! Pourquoi se priver de tous les goûts de la vie, amer ou doux, fort ou sucré.

    L’esprit vaste n’est pas dérangé par les circonstances; Maître Dogen poursuit: « Ne vous laissez pas emporter par les sons du printemps, n’ayez pas le cœur lourd devant les couleurs de l’automne ! »

    Sinon, votre vie va de haut en bas, d’excitation en dépression, comme un yo-yo ! L’esprit vaste est stable comme une grande montagne, comme la posture de zazen, c’est l’immensité, et la tolérance.

    Lorsque l’esprit n’est plus encombré par les illusions du « je », par les classements et les idées préconçues, lorsque nous arrêtons d’essayer d’ agripper le monde pour en tirer profit, alors peut apparaître KISHIN, l’esprit joyeux. C’est la joie profonde qui vient de la réalisation de l’unité. Unité à l’intérieur de nous même, plus de tiraillements ou de combats, unité entre l’extérieur et l’intérieur; non pas une joie fébrile, en rapport avec l’obtention d’une chose désirée, mais la plénitude d’être, l’harmonie vécue en s’accordant ( comme on accorde un instrument de musique ) à chaque minute de notre vie.

    Cette joie, c’est la réalisation de notre nature profonde, notre nature de bouddha, vide de toute illusion.

    C’est le chant de la rivière, le bruit du vent dans les pins, la musique des oiseaux: c’est une joie en mouvement, englobant et pénétrant toutes choses. Lorsque vie et mort, bonheur et malheur sont profondément compris -et acceptés- cette joie peut apparaître, et elle se diffusera autour de nous, et sera bénéfique à tous les êtres.

    Car ni esprit vaste, ni esprit joyeux ne peuvent exister sansKOSHIN, l’esprit aimant, la réalisation de la compassion; il ne s’agit pas de devenir sans sentiments, comme une pierre, ni de ressembler à un  » imbécile heureux « , mais de réaliser pleinement notre relation d’interdépendance et d’interaction avec le monde: nous existons parce que tous les êtres et toutes les choses existent.

    Il n’y a pas la plus petite parcelle du monde qui ne soit: nécessaire à notre existence.

    Comment distinguer alors entre soi-même et autrui ? « Au passage du temps, nous devenons les autres, et les autres deviennent nous mêmes. Comment ne pas partager leurs joies et leurs souffrances? L’homme stupide se trompe, dit Maître Dogen, qui s’imagine qu’en s’occupant d’abord des autres, ses propres intérêts en pâtiront. »

    Chaque geste de bienveillance et d’amour est partagé par tout l’univers.

    Esprit vaste, esprit joyeux, esprit aimant, -l’attitude du disciple du Bouddha. Au-delà du monde des désirs et des formes, nous pratiquons en nous abandonnant nous-mêmes. C’est à travers notre pratique qu’apparaît la pratique de tous les Bouddhas, et que la Grande Voie les rejoint.

    Puissions-nous réaliser ainsi l’Eveil avec tous les êtres.

    Ces deux textes ont été écrits et prononcés par maître Moriyama, le 20 juin 1993, à la Demeure sans limites, pour le premier anniversaire de l’ouverture du temple.

  • SAGESSE

    Quand tes flots me traversent

    Quand je m’inonde  de toi

    Que ton souffle m’agite tel un bambou

    Et que seul l’esprit demeure immobile

     La soie se délivre, la mouche se pose

    J’y suis!

  • LA PÊCHE DE GENSHA

    Un simple pêcheur
    Avait jeté son filet
    Un poisson s’y prit…

    Comme il n’avait pas de nom
    On l’appela satori

  • LE REFLET DE LA LUNE SUR L’EAU

    « Ô Noble Fils, Ecoute !

    Aucun phénomène n’a plus d’existence que le reflet de la lune dans l’eau.

    Tout ce qui apparaît, phénomènes internes, phénomènes externes,

    Apparaît comme projection de l’esprit non-né.

    Aussi n’existe ni Samsara ni Nirvana,

    Ni naissance, ni mort,

    Ni apparition, ni disparition.

    Sur les eaux de l’esprit, seule se déroule la course des phénomènes,

    Comme, chaque nuit, roule le firmament dans les eaux du lac.

    L’esprit, semblable au miroir, reflète le monde,

    Il est le lac face au firmament.

    Sachant cela, le pratiquant avisé sait qu’il n’existe ni chemin vers la libération,

    Ni lieu de réalisation.

    Voyant cela, Ô Fils de Noble Famille,

    Le pratiquant accompli repose en l’esprit même.

    Comme nul ne peut saisir le reflet de la lune qui traverse le lac,

    Aucun phénomène n’est saisissable.

    Sachant cela, le pratiquant avisé

    Contemple les phénomènes sans attachement,

    Sans aversion ni ignorance.

    Le méditant lui-même n’est pour lui-même qu’un reflet sur les eaux de l’esprit,

    Sachant cela, le pratiquant avisé réalise qu’il est sans corps,

    Ainsi actualise-t-il le dharmakaya.

    Considérant son propre reflet, le pratiquant avisé réalise la nature de son corps d’émanation,

    Ainsi actualise-t-il le sambhogakaya.

    Voyant enfin que lui-même se reflète dans les eaux de tout lac,

    Le pratiquant avisé comprend la nature du corps d’apparition,

    Ainsi travaille-t-il à actualiser le nirmanakaya.

    Quand il est réalisé que l’esprit du pratiquant n’est qu’un reflet dans les eaux de l’esprit non-né,

    Le pratiquant avisé pratique le sans-esprit.

    Alors s’effondre pour lui la dernière supercherie,

    Et contemplant toute chose intérieure ou extérieure

    Comme reflet dans les eaux de l’esprit non-né,

    Le pratiquant réalise l’omniprésence de la Source, maître ultime.

    Car lorsqu’est clairement perçu que tout n’a d’existence que comme reflet,

    Le miroir de l’esprit apparaît et peut être connu.

    Au coeur du miroir,

    L’esprit non-né qui projète toute chose,

    Et en qui tout se reflète,

    Est le coeur même de Bouddha.

    Restant en contemplation devant la nature même de l’esprit non-né,

    Le pratiquant commence, sans méditer, sans intervenir ni corriger,

    A contempler l’apparition et la transformation du monde.

    Quand il est clairement réalisé que tout à le statut du reflet,

    La source se dévoile.

    Si l’on demeure dans la source sans en altérer l’activité,

    Le coeur du Bouddha lui-même peut être connu.

    Quand on connaît le coeur du Bouddha, sans s’identifer au Bouddha,

    Tout s’achève, les eaux remontent du fleuve,

    Et le lac s’ouvre comme un oeil Unique.

    Alors apparaît clairement que seul existe l’esprit non-né,

    Duquel personne ne fut jamais séparé. »__

    Extrait du « Miroir de Samanthabadra » – par Tertön Selwa Rang Djoung | Prajnâpâramiâ Hridaya – Le Coeur de la parfaite sagesse – Sutrâ de sagesse infini ….