Réflexions alvines

L’art de laisser surgir ce qui veut naître

Les réflexions alvines sont des poèmes courts qui émergent non pas de la pensée organisée, mais du cœur profond, de la zone souterraine où naissent les premiers frémissements du vivant. Elles ne cherchent ni l’explication ni la théorie : elles laissent remonter une image, un souffle, un instant.
En cela, elles rejoignent naturellement la philosophie zen, dont l’ambition n’est pas d’empiler des concepts, mais d’ouvrir un espace où le réel peut être perçu directement, dans sa nudité.

Sept réflexions alvines à partir d’un poème

Sur la rive, des pommes de pin, le vent souffle

Canne à la main, le soleil rouge du couchant

Près d’un grand chêne, la soie calligraphie Enzo

Dans la Naspidwi la lumière jaillit

1.

Sous le vent doux naît,
Pommes de pin sur la rive,
Soleil se couche.

2.

Canne légère, flotte,
Le grand chêne s’incline,
L’ombre dans la soie.

3.

Dans le silence pur,
La Naspidwi éclaire,
Un souffle de paix.

4.

Lueur du crépuscule,
La brise effleure l’eau,
Enzo se dessine.

5.

Sur la rive calme,
Le vent murmure à l’âme,
Sous le ciel brûlé.

6.

Chêne aux branches sages,
Calligraphie se tisse,
Lueur du soir naît.

7.

Lumière se déploie,
Sous la soie Enzo, calme,
L’univers respire.

Merveilleux ! Merveilleux !

Merveilleux ! Merveilleux !

Tout devient un !

Quelle ineffable vérité !

Sans écouter avec les oreilles,

Sans voir avec les yeux

Juste le corps, la soie et l’éphémère

Seulement devant-derrière sans penser

Immergé dans les flots de la Naspidwi

Se posera-t-elle ?

.

Il n’y a ni fosse

Ni miroir ciré. 

La Naspidwi est originellement pure,

L’éphémère se posera-t-elle ?

Comme un miroir

La Naspidwi est un corps en mouvement

L’esprit, la pure surface cirée d’une fosse 

Je m’efforce de la garder comme un miroir

Tout en y déposant doucement une sèche

La Lune-esprit

Le reflet de la Lune sur l’eau

Sa lumière absorbe tout

Il n’y plus rien qui existe

Seule la lumière de la lune 

La réalité de l’esprit dans la Naspidwi

Absorber par sa lumière

Il n’y a plus rien qui existe

Tout y est.

Qu’est-ce que c’est?

Ne pas accrocher

Ne pas accrocher

Ne pas ferrer

Laisser gober

Ne pas saisir

Leurrer l’esprit

Mouche sans hameçon

Je pêche sans ferrer

Je leurre sans attraper

Je fais mouche à tout coup

Dans le refuge de l’éveillé

Comme une bulle sur l’eau ou la métamorphose incessante d’un nuage

Je suis l’éphémère volant dans l’immensité du ciel.

Comme ce sentier marqué par mon déplacement dans la rivière

Je m’efface aussitôt le chemin parcouru sans laisser de trace

Seule la pluie tombant dans la Naspidwi peut me sortir de ce rêve À l’orée du refuge magnifique de l’éveillé!

Une goutte tombée dans l’abime

Aussi profond que puisse plonger une noyée dans les flots,

Ce n’est rien comparé à une mouche volant dans l’immensité du ciel

Aussi grande que soit notre expérience de la Nature,

Elle n’est qu’une goutte tombée dans l’abîme insondable de la Naspidwi.

Rempli de lune

Une soie se déploie dans l’infini
Au-dessus d’une rivière Vaste et Profonde
La Nuit dans la Naspidwi, sans prise.

L’athabaska est rempli de lune

Tant pis pour celui qui pêche

La canne pointe vers la lune

La soie défile devant-derrière

La Naspidwi chante et danse

L’omble s’agite et s’éclabousse au soleil

Tant pis pour celui qui croit pêcher

L’esprit dans sa transparence

Dans les flots incessants de la Naspidwi

En un frisquet matin du printemps

L’esprit et le corps sont un

Pour observer sa transparence

L’esprit qui s’exalte

Le son filant de la soie

Le chant des clapotis 

Le souffle du vent

Illuminent la cime de l’esprit

qui s’exalte.

S’esclaffer au soleil

Un omble s’arc boutant

s’éclabousse au soleil

pénètre

les profondeurs

de la Naspidwi

et disparait.

Supporter l’éphémère

Brise légère

 supporte l’éphémère

au-dessus de la Naspidwi

Que rapporterais-je

Que rapporterais-je avec moi:

Une mouche, un bambou, une soie, une prise?

Non! Les flots incessants de la Naspidwi.

Sur le tuf de la Naspidwi

Le chant de la grive

à l’orée de la forêt

Résonne en écho

sur le tuf de la Naspidwi

Face au courant

Dans l’abîme de ses flots

sans bouger, de belles prises

Face au courant

La cime de mon esprit

 L’éphémère disparue,
s’efface dans la cime de mon esprit

L’abîme de ses flots

Le chant de la Naspidwi
entre ses silences
creuse l’abîme de ses flots.

Dans une bruine d’automne

À sa surface, la Naspidwi

reflète l’ombre d’une nymphe

dans une bruine d’automne.

Une nymphe défiant une ombre

Cette rivière, nul

ne s’y plonge , sinon

une nymphe défiant une ombre

Son chant et ses flots

La neige sur la rive

La cime qui danse

Entre en moi

son chant et ses flots

Pêcher dans la Naspidwi

« Pêcher dans la Naspidwi, c’est s’étudier soi-même
S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même
S’oublier soi-même, c’est être en unité avec toutes les existences »

Être en unité avec toutes les existences c’est pêcher dans la Naspidwi

Des cercles Enso apparaissent

Sur le ciré de la Naspidwi

Se pose une éphémère.

Un omble chevalier la gobe

Des cercles Enso apparaissent

Le soleil pointe en son centre

Le soleil pointe sur ses flots

Qu’est-ce que la Naspidwi?

L’esprit ordinaire est la Naspidwi.

Quel est le sens de son cours?

Si vous essayez de la remonter vous vous en éloignez. 

Si vous essayez de la descendre, vous vous en éloignez davantage. 

La Naspidwi ne répond pas au sens ou au non-sens.

Comprendre est  une illusion, ne pas comprendre est une confusion.

Si vous arrivez à ferrer l’omble chevalier vous parviendrez au vaste et profond.

Comment peut-on alors se perdre au tréfonds ? 

Soudain le soleil pointe sur ses flots.

L’omble de son esprit

Le pêcheur
fend le ciel et la terre
afin d’extirper l’omble de son esprit.

Mon jardin

Les deux pieds dans la Naspidwi
j’entretiens mon jardin
afin de l’offrir à la volonté de ses flots.

un, deux, trois la Naspidwi

La première prise est ferrée avec la soie devant.

La seconde avec la soie derrière.

La troisième avec la soie sur l’eau.

La Naspidwi!

Les pommes de terre sont au feu

À force de vouloir s’unir à la Naspidwi

La pêche prend plus de temps.

Sachez que l’on trouve l’omble dans l’eau,

Et que les pommes de terre sont au feu depuis longtemps.

Faux tout faux

Ne pas perdre pied,

Ne pas annihiler devant, derrière,

Mais un seul mouvement

Ne pas s’obscurcir,

Ne pas perdre pied

Faux !

Tout faux !

Les flots s’esclaffent !

Sur le miroir de la Naspidwi

Un ombre gobe un imago

Les flots s’esclaffent !

Un souffle

La Soie qui défile dans l’espace infini se dévoile,

La Soie infinie qui dévoile l’espace, défile

La Soie se dévoile dans l’infini de l’espace

L’infini dévoile l’espace de la Soie qui défile

L’infini espace de la Soie se dévoile et défile

L’infini se dévoile dans la Soie qui défile

Cet espace, n’est qu’un souffle qui pénètre l’infini  

Sans saisi

Elle ne peut être ni dessinée, ni dépeinte, ni réfléchie

Cessons de la chercher dehors ou dedans

Elle n’est ni en amont, ni en aval

Nul lieu ne la contient, nul vallée ne l’accueil

La Naspidwi reste sans saisi, sans image !

Le vent

Les deux pieds dans la Naspidwi

j’observe le vent qui agite les vieux pins

Qu’est-ce qui bouge ?

Les vieux pins, le vent ou mon esprit?

Woh ! ferme et fort

Nuage, vent, rivière, galet,

pêcheur, canne, mouche , soie, lancé, omble etc.  

Mais où se trouve donc la nature de l’éveil ?

WOH !

Sans fond

La grande rivière est sans fond

Mille sentiers y mêne

Un fois traversé ses torrents turbulents

Seul, tu pêches au centre de la Naspidwi

Vol sans pose

Il n’y a ni bambou

Ni soie

Ni rivière. 

Où et comment la mouche peut-elle se poser ?

Je fais mouche

Le bambou est l’arbre de l’éveil

La soie, la ligne de ma vie

La rivière, le miroir transparent de mon esprit

J’y dépose une mouche

L’immensité

Au coeur de l’immensité

En aval de mon âme

Et en amont de mon esprit

J’y suis

Lumière

Au centre de la Naspidwi

Sur la soie mouillée brille le soleil

La soie

La soie se livre et se délivre partout

Une mouche dans la vacuité

Quelle est cette mouche qui traverse la vacuité ?

Daishin

L’esprit vaste est comme l’océan:

il reçoit toutes les rivières

sans en rejeter aucune.

Non prise et lâcher prise

Dans le ciel bleu, un nuage

Dans la rivière, un omble

Dans l’esprit, une ombre.

Je pratique la non-prise et le lâcher prise !

Mon hameçon est sans ardillon, ma mouche sans hameçon

Lancer sous le vent

Le vent souffle sur ma soie

elle a du mal à se déployer.

Le corps et l’esprit s’agitent.

Que faire ?

 S’incliner et lancer sous le vent

Deux et un

Dans l’agitation du bambou,

je fus deux

pour devenir un

ce qui m’a ouvert

à la transparence

de la vacuité

celle qui me permet

de faire virevolter la soie

devant, derrière

où je suis deux

pour devenir

Un

Au centre de la Naspidwi

Iridescence

Lumière incandescente

Source éphémère qui me pénètre

Spectre lumineux qui m’envahi 

Mon esprit s’enflamme de ton iridescence 

Enso !

Esprit circulaire, univers sans limite

Cycle infini d’une Voie naturelle

Indépendante et inaltérable.

Transparence

Oh Naspidwi !

Quand ta transparence me traverse

Mon esprit translucide s’ouvre,

  La vacuité m’exalte.

Quand je suis seul

Quand je suis seul

Au milieu de la Naspidwi

Quand le souffle

S’harmonise au lancer

Et devient durant un instant

La voix du chant de la rivière

À qui mon esprit

Donne toute la place

À la nature qui me pénètre

Je fraie enfin

Dans les profondeurs

De mon être

Nymphe

La nymphe

Est une noyée

Qui atteint 

Les profondeurs

De la Naspidwi

Catch and release

Le moucheur de la Naspidwi

Pratique obligatoirement

La prise et le lâcher prise.

Parole

Cette rivière 

Qui coule en moi

Est une parole

Qui surgit des profondeurs

De mon âme

Métempsychose

L’éphémère 

Se défait de son exuvie

et devient subimago

Puis imago

Je suis hanté

Je suis hanté 

Par ces eaux

Un désir insaisissable

Me pousse à les sonder

Leur chant d’amour

Me traversent l’esprit

Elles m’ouvrent

Pour y accueillir

L’ivresse de l’immensité 

Éphémère

Plus les jours avancent

Plus je m’aperçois

Que mon séjour

Dans ces eaux

Aura été

Aussi bref

Que la vie

De l’éphémère

Qui s’agite

Au bout de ma ligne

Pourquoi ?

Pourquoi quittons nous

Ces flots incessants ?

Pourquoi ce passage dans la Naspidwi

Fut-il si bref ?

Un instant

La Naspidwi
Des saumons volants
Le chant de l’eau

Illusions

Esprit bigarré

Esprit bigarré, qui s’entremêle d’idées

Tu te transformes de causes en effets,

Mais lorsque la soie te voltige

Tu deviens immobile.

Sans ardillon

Sans ardillon mes pensées défilent

Sans ardillon rien n’accroche

Tout passe.

Une mouche qui ne pique pas

Jamais je ne te ferai l’affront de t’accrocher, de te blesser ou de t’apeurer.

La seule touche qui m’importe, c’est la Sagesse réalisant la vacuité.